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LES BRÈVES DU CONSEIL D'ÉVALUATION DE L'ÉCOLE
Chiffrer, déchiffrer l'éducation

POURQUOI DIT-ON QUE LA FRANCE EST L'UN DES PAYS LES PLUS INÉQUITABLES EN MATIÈRE D'ÉDUCATION ?

QUESTION D'ÉQUITÉ


Une des critiques fréquemment adressées au système éducatif français est qu’il serait l’un des plus inéquitables des pays de l’Union européenne et de l’OCDE. Sur quels constats et quels indicateurs se fonde une telle affirmation ? Quelle définition de l’équité se donne-t-on ? Quel type d’égalité cherche-t-on à promouvoir ? Le CEE propose d’y voir plus clair.

Un constat sans appel...

Le constat d’une France inéquitable en matière scolaire trouve son origine dans les résultats de l’enquête internationale PISA (1), qui évalue tous les trois ans les compétences des élèves de 15 ans dans trois domaines – la compréhension de l’écrit, la culture mathématique et la culture scientifique. Ils montrent qu’en France le lien entre la maîtrise de ces compétences et le niveau socio-économique et culturel des familles est parmi les plus élevés des pays de l’OCDE.

C’est le cas en particulier en compréhension de l’écrit (cf. graphique 1). L’indice de statut économique, social et culturel calculé dans PISA (2) fait en effet apparaître dans ce domaine un écart entre les élèves les plus et les moins favorisés de 107 points en France en 2018 contre 89 pour la moyenne des pays de l’OCDE, même si des pays comme l’Allemagne, la Belgique ou le Luxembourg ont des écarts encore plus grands. Quand on regarde le lien entre statut socio-économique et performance scolaire tout au long de la hiérarchie sociale, et pas seulement en opposant les groupes extrêmes, la France se distingue par la corrélation la plus forte des pays de l’OCDE. Hors compréhension de l’écrit, on retrouve cette forte corrélation aussi bien pour la culture scientifique que pour la culture mathématique. Autrement dit, si l’écart entre les plus et les moins favorisés est plus élevé dans d’autres pays, c’est en France que le lien entre statut socio-économique et performance scolaire apparaît le plus grand dans PISA.

La corrélation entre niveau socio-économique et performance des élèves a fortement augmenté en France dans PISA entre les années 2000 et 2009 alors qu’elle restait stable dans les pays de l’OCDE. Elle s’est depuis stabilisée et s’est même légèrement réduite entre 2009 et 2018. La France reste toutefois bien en deçà de la moyenne de l’OCDE en termes d’équité.

Au fait, c’est quoi, l’équité ?

L’équité scolaire n’est pas seulement sociale ou économique. L’OCDE propose la définition suivante :  « un système équitable ne vise pas l’obtention des mêmes résultats par tous les élèves, mais plutôt l’absence de lien entre les différences de résultats entre les élèves et le milieu dont ils sont issus ou les facteurs économiques et sociaux sur lesquels ils ne peuvent exercer aucun contrôle (genre, origine sociale, lieu d’habitation, etc.) » (3). L’équité est donc aussi à considérer sous l’angle du genre ou du territoire et les résultats en termes sociaux ne doivent pas occulter les enjeux d’équité dans ces domaines.

Il y aussi quelques bonnes nouvelles, par exemple en ce qui concerne les écarts liés au genre : la France est plus équitable que la moyenne des pays de l’OCDE, notamment en compréhension de l’écrit (25 points d’écart à l’avantage des filles contre 30 points pour l’OCDE) et en culture scientifique. Mais là encore, il faut préciser ce que donnent à voir ces indicateurs. Si un faible écart est un indicateur favorable d’équité, il doit être analysé au regard du niveau global des performances des élèves qu’il faut aussi observer de près et continuer à améliorer.

Des politiques mises en œuvre pour une plus grande égalité d’accès

Sous l’impulsion notamment des constats effectués dans PISA, la France a engagé des politiques pour promouvoir, outre une égalité des acquis (avec par exemple l’introduction du socle commun de connaissances, de compétences et de culture que doit maîtriser tout élève en fin de scolarité obligatoire), une égalité d’accès, de moyens ou de réalisation sociale. Il est essentiel que ces politiques soient évaluées pour en mesurer les effets.

S’agissant de l’égalité d’accès, une grande attention a été portée en France à la scolarité précoce, dont on sait par la recherche qu'elle est susceptible d'avoir des effets sur la réussite ultérieure : accueil dès deux ans de certains élèves, scolarité obligatoire dès trois ans (100 % des élèves scolarisés en 2021 contre 93 % à l’échelle européenne), dédoublement des grandes sections, CP et CE1 en éducation prioritaire depuis 2017...

La France a également favorisé l’élévation du niveau moyen d’éducation, aujourd’hui supérieur à celui de la moyenne des pays de l’UE : ainsi, la moitié des 25-34 ans sont diplômés du supérieur en France en 2021 contre 41 % en moyenne dans l’UE (source : Eurostat, LFS), même si les inégalités sociales restent fortes. L’écart est également plus favorable en France dans ce domaine sur les différences entre femmes et hommes qu’en moyenne dans l’UE.

Aller plus loin dans l’évaluation des politiques d’équité

Parce que la réduction des inégalités de réussite scolaire, qu’elles soient sociales, territoriales ou de genre, constitue un enjeu central des politiques publiques d’éducation, le Conseil d’évaluation de l’École a mis en place au printemps 2022 un comité technique d’évaluation sur l’égalité et l’équité scolaires, avec pour mission de dresser un état des lieux des études sur le sujet et d’élaborer un plan d’évaluations ciblées.

1 : PISA, Programme for International Student Assessment ou Programme international pour le suivi des acquis des élèves. 
2 : L’indice de statut économique, social et culturel (SESC) est construit dans PISA de manière à synthétiser diverses informations déclarées par les élèves sur le niveau d’éducation et la profession de leurs parents ainsi que sur l’accès du foyer à la culture et à diverses ressources matérielles. Comprendre comment est construit cet indicateur est essentiel pour analyser finement les résultats.
3 : OCDE, PISA, Note France - L’équité dans l’éducation : éliminer les barrières à la mobilité sociale, 2018.

Graphique 1 : Score moyen en compréhension de l'écrit selon le statut économique, social et culturel des élèves (SESC) en 2018

 

|| Références ||

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